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8 mai 2018 2 08 /05 /mai /2018 10:27

Vortex

 

Dynamisme et stabilité, flux et forme, course statique d’Alice, autant de figures qui renvoient au vortex comme à l’hologramme dont les dessins, drapés et festons résultent de l’interaction dynamique de deux flux. Le vortex, sous une forme triviale, est le tourbillon, voire le maelström, qui fixe en une spirale convergente le courant d’un ru, d’un fleuve ou de l’océan.

Le vortex manifeste au présent une singularité dynamique stable. Il est à la fois phénomène déterministe et aléatoire, aléatoire dans le sens où les trajectoires individuelles des éléments qui le composent ne peuvent, fondamentalement, être déterminées.

Le vortex est la figure du stable dont le fond est le flux. Il est le stable fondé sur le sable, sur la labilité intrinsèque des phénomènes.  Vortex et hologramme sont des figures compatibles en ce sens que l’hologramme est bien la forme stable générée par la rencontre de deux flux de particules ou de photons. L’image même d’un tourbillon est un hologramme produit à la croisée de flux de photons provenant des diverses directions de l’atmosphère (en raison de son albédo), des particules de la masse liquide et enfin du corps de l’observateur, ces deux derniers également conçus comme flux d’énergie.

 

Le vortex comme figure dynamique permet la représentation du flux sans durée, de l’éternité instantanée. Il permet de se figurer comment la durée spécieuse peut contenir l’espace et le temps. Il permet d’intuitionner ce qu’expérimente Alice qui tombe et se réceptionne sans mal dans ce pays où il faut courir pour rester sur place. Je prétends qu’à rebours de toutes nos croyances sur le temps,  la chute immobile d’Alice constitue le fond de nos sensations de la durée. 

 

Nous croyons sentir le contraire, parce que notre entendement nous y pousse, alors que l’instance « entendement » ne peut faire entendre sa voix en nous qu’après que s’est déroulé dans les abysses de l’instant et du cerveau-univers un long et énorme travail d’ interprétation et de synthèse. Mais l’entendement nous trompe quand il nous présente les résultats de son analyse comme claires et conscientes. L’imagerie cérébrale in vivo donne chaque jour de nouvelles preuves qu’une large partie de ce que nous croyons être une activité ou une décision conscientes se joue en fait derrière la scène avant la prise de conscience.

 

Ainsi, à titre d’exemple, le jugement d’une personne envers un visiteur variera selon que le cobaye aura été peu auparavant exposé à un signal subliminal (extrêmement rapide) présentant tantôt un visage souriant ou au contraire revêche du visiteur. Le cobaye croit apprécier le visiteur en toute liberté : mais statistiquement son jugement est corrélé au signal subliminal. La durée se construit dans cette arrière-cour cognitive comme résultat de la pression adaptative, à l’instar du rouge répondant à la nécessité d’identifier les fruits les plus nourrissants.

 

Le vortex permet de concevoir qu’il faille pédaler pour rester sur place. Le tourbillon dans le ruisseau est en dernière analyse le produit d’un flux d’énergie lié au couple soleil/terre : le premier pompe vapeur et souffle vents, la seconde, massive,  tire par gravité l’eau vers la mer. Supprimez ces deux forces, ces deux agents moteurs, il n’y a plus de tourbillon. Supprimez le feu qui nous maintient à 37° C, il n’y a plus ni vie, ni science,  ni conscience, ni philosophie, ni big bang.

Car individus et espèces sont eux-mêmes des vortex complexes dont l’énergie provient du soleil, bien qu’indirectement par la photosynthèse réalisée par les végétaux ingérés par l’animal, ou par la prédation de proies ayant elles-mêmes consommé de la matière végétale.

 

Les Grecs significativement distinguent dynamisme et énergie. Dire de la vie qu’elle est un état loin de l’équilibre, qu’il lui faut prélever énergie et nutriment, qu’il lui faut excréter, c’est admettre nécessairement que la vie est flux, que tout le perçu est un flux. Il n’y a pas de connaissance statique. Prétendre que les lois physiques sont symétriques par renversement du temps (tX=-tX) est une proposition fausse. Car entre temps, le temps d’écrire cette équation, de la penser ou de la lire, le scripteur, le penseur ou le lecteur ont eux vieilli.  La si fameuse et vertigineusement intéressante équation de Wittgenstein A=A est nécessairement fausse : plus exactement elle n’est pas une identité, pas tout à fait une identité, à l’ε près, cet irréductible epsilon partout rencontré, dont l’avatar en physique comme parmi les nombres, probablement se dissimule sous la constante de Planck.

La figure du flux rapprochée de celle la régularité évoque directement celle du vortex.  A l’instar du tourbillon dans le ruisseau, le vortex est cette figure qui n’est stable qu’en tant que son fond est dynamique, en mouvement incessant, à la manière dont Alice doit courir pour rester sur place.

Si l’on visualise aisément ce qu’est un vortex ou un tourbillon, la théorie du chaos stochastique a puissamment élargi le concept. Un phénomène complexe où se reconnaît de multiples trajectoires s’organisant en figues – des états de phase – est susceptible de voir ces trajectoires s’organiser autour de nœuds stables, dénommés attracteurs étranges, à la manière dont les orbites individuelles des molécules d’eau s’enroulent en tourbillons relativement stables. Ces orbites peuvent-être celles d’objets célestes, ou bien encore décrire l’évolution des espèces vivantes, ou encore celle des colonies d’organismes individuels – bactéries, corail, humains – que l’on nomme sociétés et dont la dynamique dans ce dernier cas porte le nom d’histoire.

Bien que la trajectoire d’une molécule d’eau quelconque traversant le vortex  soit fondamentalement indéterminable, la figure et le comportement globaux du vortex le sont .

On peut également identifier le vortex, l’attracteur étrange, à un oscillateur stochastique complexe, tel qu’on peut en programmer simplement sur un micro-ordinateur à l’aide d’un jeu d‘instruction très simple, à l’instar du célèbre « jeu de la vie » qui d’incrément en incrément dessine des configurations stables alors que ne cessent pas de jouer en arrière plan la dynamique incrémentale. Mobilité incessante qui la condition de la perdurance, flux comme fond du stable, tout comme le courant est nécessaire au maintien du tourbillon, ou encore comme est indispensable l’ingestion/excrétion continue d’aliments et d’oxygène  au maintien de la vie. L’espèce elle-même est un vortex dont le flux se maintient au long des générations par la naissance et la mort.

 

Etudions désormais de plus près les propriétés intrinsèques d’un vortex, non pas dans sa généralité, mais sous l'espèce tridimensionnelle macroscopique plongée dans un champ de gravité qu'est par exemple les tourbillons d'un torrent.

 

Un tel vortex présente plusieurs niveaux de chiralité. Il peut-être dextrogyre ou sénestrogyre. Si la force centrifuge y joue le premier rôle, elle suscite paradoxalement, composée au poids du liquide, une composante centripète, un entonnoir liquide assemblant en

 

Composantes centrifuges et centripètes rendent possible un tri différentiel selon taille, densité, formes...des éléments du flux. En rapprochant, ou au contraire en les éloignant telle ou telle espèce chimique, telle ou telle variété biotique, elles favorisent, freinent ou interdisent  certains agrégats, certaines réactions. Ainsi en concentrant et en organisant l’énergie dispersée du milieu le vortex crée-il spontanément de l’ordre.

 

Or notre animalcule peut-être comparé  à un vortex capable  jusqu'à un certain point de renforcer  sa propre stabilité. Stabilité qui en retour favorise l’émergence de structures de plus en plus complexes dans une boucle potentiellement infiniment rétroagie.

 

Ainsi entité loin de l’équilibre, à l’inverse du rocher inerte, l'animalcule échange intensément avec son milieu. Il filtre, ingère, excrète. Parmi ces excrétions, ces exsudats, ces glaires, certains se sont révélés particulièrement favorables. Ou plutôt optimaux dans l'équilibre des intérêts contradictoires - tel que résider à la périphérie de la colonie ou abondent nourriture et dangers plutôt qu'au sein de la masse où les avantages sont contraires - qui affleurent dès que se rassemblent des individus isolés, fussent-ils primitifs,

 

Circulation entre intérieur et périphérie qui  rend compte de la limite supérieur de l'avantage à se constituer en colonie, dès lors que l'irrigation nourricière interne ou l'excrétions des indésirables perdent en efficacité ou que la masse de l'organisme collectif excède les ressources du milieu.

 

Dès lors qu’ils suscitent des rétroactions favorables à la population excrétrice, autrement dit qu'ils accroissent l'énergie propre du vortex biologique, les excréments deviennent éléments du milieu, frontière au mitan du vivant et de l'inerte. Citons l'exosquelette du corail qui d'arborescence en arborescence finit par bâtir des massifs de taille continentale. Et comment ne pas rappeler que l’oxygène est lui aussi un produit d'excrétion biotique. Quant à l’humus, il résulte du flux massif de nutriments via la digestion de milliards de tonnes de bactéries, animalcules, champignons, végétaux qui peuplent le sol depuis l'apparition de la vie.

 

Les populations vivantes ont cette capacité d'exsuder, de prolonger hors-soi quelque chose de l’en-soi, projection qui détermine localement un artefact, un milieu frontière favorable. En ce qui concerne  les sociétés et cultures humaines,  « villes », « maison », « territoire », « représentations », « culture » construisent l'équivalent du glaire bactérien qui colle ensemble la colonie.    

 

Comme la glaire bactérienne ou les massifs coralliens, ces édifices, constructions, représentations matérielles ou abstraites , au mitan de l’en soi et de l’hors-soi, ont proprement valeur adaptative. Des cultures sont mortes de structures politiques ou sociales devenues inadéquates .

 

A cela la diversité est un remède  . Notons encore au titre des propriétes de notre vortex élargi aux cultures humlaines, que lorsque l’hétérogénéité règne au sein d’un groupe (de bactéries ou de nations), alors elles ne seront pas toutes également affectées par un brusque aléa environnemental, une épidémie, un  retournement économique, un changement politique . La physique, depuis toujours, est politique.

 

Notons encore, autre trait d'auto-organisation du vortex biologique, que le caractère massif des populations, pour tout l'intérêt qu'il comporte est prolongé optimisé, par la spécialisation de sous ensembles, « histologiques » au sein d’une société organisée devenu méta-organisme. Ces  méta-organisme sont relativement plus stables que les incarnations fugaces  - moi, toi, les autres – qui en forment le flux. Et comme l'ample dynamique de ces formes plus constantes dépasse de beaucoup les fugaces capacités d'aperception de leurs incarnations vivantes, il est légitime d'affirmer que l'homme s'illusionne lorsqu'il se croit maître de l'histoire. Il ne peut que plier avec modestie et tirer frugalement parti des circonstances.

 

Toute interaction, toute collision, tout événement constitue une information, de sorte qu'il est encore possible de considérer le vortex comme un flux d'information. Les trajectoires des molécules du flux sont  autant d'instants alignés et ordonnés vers les plus récents, dit conséquences, les des événements les moins récents étant dits causes.

Etre présent ici et maintenant revient à actualiser constamment des chaînes énormes de causes et de conséquences..

L'univers vu de nos yeux est la forme de cette actualisation, cet instant fuyant qui peint la constance du vortex, maintient la vision stable et cohérent l'enchaînement des événements.  Le vortex induit en cascade de nombreuses chiralités, celle notamment

conférant au méta-organisme massif différencié plus de stabilité qu'à la collection lâche.

 

Ce grégarisme, l'organite dont nous étudions depuis le début les avatars en aura bien senti les avantages. Nous le retrouvons en effet quelques centaines de millions d'années d'évolution plus tard spécialisé en une cellule basilaire nichée au sein de l’oreille interne d'un méta-organisme adéquatement construit autour d'elles en synergie par des millions de cellules, de processus et d'influx, comme l'expression d'un avantage vital. Ce méta-organisme n'est autre en l'occurrence qu'un bipède mammifère bien connu,,le chasseur-cueilleur Rahan. Rahan lui-mê est la cellule de meta-organismes supérieurs, famille, clan, nations, sociétés, bâtiments, techniques, recettes, procédés, langues, visions, représentations.

 

Toutefois, le processus évolutif par lequel a passé notre organisme aura été tortueux. Nous allons observer cela de plus près.

 

 

Remarquons d'abord que notre organite tout en étant devenu cellule basilaire reste un individu aquatique. La cellule basilaire vit et meurt en effet dans le liquide cochléaire dont est emplie l’oreille interne. Statut aquatique qu'elle partage en réalité  avec l’intégralité des cellules de l’organisme supérieur qu’elles composent, en l’espèce, Rahan. Hors les squames superficielles,  au contact de l’air, l’épiderme,  la peau elle-même et son derme sous jacent, est pleinement irriguée. L’animal terrestre, même très complexe, même aérien, reste avant tout un  poisson, un animal liquide, une bulle roulant sur la terre ferme et sèche.

 

L’audition, dont la première instance est la vibration de l’organite en réaction aux ondes de pression parcourant le fluide dont le corps est baigné,  l’audition donc reste un sens aquatique malgré l’énorme complexification qui nous amène aux animaux supérieurs et leurs sens  La cochlée est ce qu’il reste en nous du poisson archaïque que fut notre organite. Ce liquide  se logée dans une cavité en forme de colimaçon, cavité qui  vibre sous l’impulsion d’un diaphragme solidaire d’osselets eux-mêmes mécaniquement liés au tympan externe qui transmet les vibrations sonores de l'air ambiant. Les ondes de pression créées dans la cochlée à leur tour stimulent le tapis les cils basilaires disposé en trapèze épointé.

Colimaçon liquide, champ de cellules basilaires disposées géométriquement en rangées, en perspectives, voici les bases de l’interprétation sonore du monde. Voilà la géométrie essentielle de notre audition. Elle ne saurait être étrangère à la géométrie intrinsèque du monde - une même matière constitue à la fois l’univers et l’animal -  sans se confondre totalement avec elle, sauf à ne  pas être comme entité distincte. C’est au travers d’une transformation mimétique du monde, d’un type mathématique d’une inimaginable complexité, que nous nous représentons le monde. Et c’est dans le procès de cette transformation que se créent les catégories de l’espace et du temps.

 

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