L’affaire est pliée. Avec son introduction en bourse VisageLivre signe le début de son déclin. Signaux inquiétants : son chiffre d’affaire croît mais sa rentabilité décroit. Sa capitalisation boursière représente près de trente ans de ses profits. Personne n’a une telle visibilité sur une si longue durée. Lorsque se sentent les premières étreintes de la puissance des marchés, sorte d’opinion publique financière, une porte de sortie est l’introduction en bourse. Elle permet, en diluant la propriété, de diluer la responsabilité de l’échec.
VisageLivre croit s’en sortir en proposant des service premium, c’est à dire payant. Comment ne pas voir que VisageLivre n’a du son succès qu’à la possibilité donnée gratuitement à chacun de faire des relations publiques, chacun jouant avec les autres – aussi puissants soient-ils – sur un pied d’égalité.
Dès lors qu’il sera compris par le large public que les « payants » jouissent du point de vue des relations publiques d’une position privilégiée, tout l’intérêt de VisageLivre s’évanouit.
Fondamentalement VisageLivre a permis qu’émerge quelque sorte d’opinion publique mondiale ou régionale (pensons aux révolutions arabes…). Dès lors que VisageLivre perd cet attrait de « démocratie directe », il n’est plus qu’un acteur capitaliste comme tous les autres.
Pour VisageLivre comme pour les LunettesDeNage, en effet, le risque principal probablement est le risque de l’opinion publique, principalement sous l’angle politique. Dès qu’il ne s’agit plus de relier chacun à chacun, mais de relier préférentiellement telle oligarchie payante ou puissante à telle autre oligarchie payante ou puissante, dès lors tombe l’argument central « démocratique » du « un à un ».
S’il était possible de dissocier opinion « commerciale » et « opinion politique », VisageLivre aurait ses chances. Mais son modèle est un modèle de masse. Pour adhérer, les utilisateurs, qu’il soit européens, asiatiques ou américains pensent qu’il existe entre eux quelque sorte de communauté. Dès lors que s’introduit un biais – les oligarques parlent aux oligarques – l’illusion de masse « démocratique » disparaît. Et avec elle, les revenus publicitaires.
Quant à Mark Zutenberg, il n’est probablement que la victime des ses propres vices, qui l’ont jeté entre les mains d’un système plus vicieux encore, vicieux en ce qu’il met en péril l’existence de l’espèce humaine elle-même.
Du point de vue de notre espèce la fin de VisageBook est un bienfait.
A long terme, nous sommes tous morts : l’intuition boursière rejoint l’intuition tout court.